Tous des Oiseaux de Wajdi Mouawad



La Grande Table France Culture 20/11/17
Conflits, différences, rapports à l’autre à écouter ici


Tous des oiseaux, c'est le récit d'un jeune scientifique juif installé à New-York, Eitan, qui entre en conflit avec sa famille à cause de sa relation avec Wahida, une jeune fille arabe. À travers cette chronique familiale, se déroule le fil de l'histoire mouvementée du XXe siècle. C'est aussi le récit de déracinés, de ceux qui doivent sans cesse bouger et s'adapter qui prend sa source dans la figure de al-Hassan ibn Mohammad al-Zayyātī al-Fāsī al-Wazzān, dit Léon l'Africain, ce musulman enlevé par des corsaires qui se convertira au chrisitianisme et s'adaptera au mœurs européennes. 

« La figure de Léon l'Africain montre une réalité très contemporaine : la difficulté de devenir européens, ne plus être orientaux, qu'ont connu beaucoup de personnes de ma famille. C'est en ce sens que je m'identifie à lui. » Wajdi Mouawad

Cette pièce chorale, polyphonique, mêle quatre langues, l'anglais, l'arabe, l'allemand et l'hébreu, entre New-York, Berlin et Jérusalem. 

« Je sentais que je devais respecter les langues des personnages, l'hébreu, l'anglais, l'arabe, l'allemand. Pour trouver des acteurs qui parlent ces langues, on confronte les questions de l'histoire du vingtième siècle ; pourquoi si peu d'acteurs peuvent jouer dans ces langues ? » Wajdi Mouawad

Le théâtre de Wajdi Mouawad est contemporain, en prise avec des réalités toujours vivaces. Pour la première fois, le dramaturge dépasse ses propres limites, dépasse les frontières de son pays d'origine, le Liban, et s'intéresse à celui qu'on lui a appris à considérer comme son ennemi : Israël. 

Quelle légitimité peut avoir un Libanais à évoquer cette histoire, la psyché d'un vieil homme israélien?

« La seule légitimité que je peux avoir, c'est celle de l'empathie dans le risque du déplacement vers l'autre, vers celui que je pourrais appeler "l'ennemi". C'est la légitimité de la terre qui m'a vu grandir, le Moyen-Orient. Enfant, j'ai été élevé avec l'idée que l'autre est l'ennemi, le bourreau. » Wajdi Mouawad

Tous des oiseaux prend aussi sa source dans une légende, celle de l'oiseau amphibie. Cet oiseau curieux cherche à connaître l'autre, son opposé absolu, le monde aquatique. Malgré les avertissements, il plonge à sa rencontre, et se voit pousser des branchies. Pour Mouawad, cette légende est le symbole de sa démarche de rencontre vers l'autre.

« Les personnages n'ont aucune stabilité personnelle, personne n'a de nid. Tous des oiseaux est une manière de s'adresser aux spectateurs : il n'y a plus de liens entre l'identité et l’origine. Nous sommes des oiseaux loin des ciels premiers. » Wajdi Mouawad

Wajdi Mouawad 
Né en 1968, l’auteur, metteur en scène et comédien Wajdi Mouawad passe son enfance au Liban, son adolescence en France et ses années de jeune adulte au Québec, avant de s’installer en France. Diplômé de l’École nationale d’art dramatique du Canada en 1991, il signe des adaptations et mises en scène de pièces contemporaines, classiques et de ses propres textes. À la tête du Théâtre de Quat’Sous à Montréal de 2000 à 2004, il fonde l’année suivante deux compagnies de création : Abé Carré Cé Carré au Québec et Au Carré de l’Hypoténuse en France, puis dirige le Théâtre français du Centre national des arts à Ottawa jusqu’en 2012. Artiste associé de la 63e édition du Festival d’Avignon, où il crée “Le Sang des promesses”, il s’associe ensuite au Grand T, théâtre de Loire-Atlantique à Nantes. 
Débutée en 2011, la mise en scène des sept tragédies de Sophocle a été présentée en version intégrale pour Mons 2015, capitale européenne de la culture. Il amorce un nouveau cycle, dans la lignée des solos Seuls et Sœurs, intitulé “Domestique”, toujours en tournée.
À l’invitation de l’Opéra de Lyon et de la Canadian Opera Company (Opéra de Toronto), il mettra en scène 
L’Enlèvement au sérail de Mozart en juin 2016, à l’Opéra de Lyon.
Il conçoit régulièrement des projets de transmission, notamment “Avoir 20 ans en 2015”, et travaille avec de jeunes générations d’artistes (CNSAD, ESAD, université de Strasbourg, etc.).
Il est l’auteur des romans 
Visage retrouvé et Anima, récompensé de plusieurs prix littéraires. Distingué par de nombreux honneurs dont le prix de la Francophonie de la Société des auteurs compositeurs dramatiques en 2004 pour l’ensemble de son travail, il est nommé chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres puis artiste de la paix en 2006, reçoit le doctorat honoris causa de l’École normale supérieure des lettres et sciences humaines de Lyon ainsi que le grand prix du Théâtre de l’Académie française.
Ses pièces et romans ont été traduits et publiés dans une vingtaine de langues et présentés dans toutes les régions du monde (dans ses mises en scène et celles d’artistes étrangers).

Notes à partir de l'émission :
Le titre soulève une question plus liée à l’émigration qu’à l’immigration
Le titre est une manière de parler avec le public : la question de l’identité.
Douleurs, failles secrètes, tiraillement intérieur.
Des personnages et des acteurs qui n’ont pas de stabilité : sentiment d’émigration
Tant que l’oiseau est en vol, les possibilités sont multiples.
Dire « Tous des oiseaux », manière de dire que nous vivons une époque où précisément la question de l’identité ne peut plus être lié à la question de l’origine puisque de plus de personne ne vivent plus dans leur lieu d’origine parce qu’ils l’ont quitté, ou ils l’ont perdu, parce que nous sommes de plus en plus nombreux à être des oiseaux loin de notre lieu de naissance.

Ouvrir l’esprit
Respecter la langue des personnages
4 langues : Allemand, hébreu, arabe et anglais

L’histoire de l’Oiseau Amphibien : L’oiseau a un Désir immense pour les poissons : L’oiseau plonge dans la mer, des ouïs lui apparaissent.
L’oiseau amphibien la légende la mutation, la métamorphose de Kafka
L’idée de monstruosité. On se réveille un matin et on n’est plus ce qu’on était la veille. Quitter son lieu d’origine, c’est perdre sa langue, être métamorphosé, avoir un rapport de monstruosité par rapport à soi-même et petit à petit, il y a une mutation.

Léon l’Africain : ressurgir de la disparition, ce qui est sur le point d’être effacé
Comment cette figure a réussi à ne pas s’effacer
Difficulté d’être un être humain dont l’origine est sur le point d’être effacé

Comment faire passer les frontières ? Les acteurs parviennent à enjamber les langues d’une langue à l’autre.

La scène du repas : du seder : la pâques juive au seder, toujours une chaise vide pour l’invité, pour l’étranger.

Nous sommes tous des dépositaires de colères, colères qui se sont déposés dans nos vies que nous portons et qui infusent dans nos propres identités et qui deviennent profondément ancré dans nos confits intérieurs.

La vérité doit-elle être dites ou pas ?
Et si elle est dites : est-ce qu’elle peut tuer ? détruire ? dévaster ?
D’un point de vue intime mais aussi collectif : on vient bien comment la question identitaire se pose dans une violence folle : on pense dire la vérité.

Wajdi, l’illégitime ?

EMPATHIE : empathie dans le risque de ce déplacement vers l’autre, vers celui qu’on serait tenter d’appeler l’ennemi.

« La région qui m’a vu naitre : l’Autre était l’ennemi. Pays très fractionnés. L’Autre devient la menace. Grâce à l’exil : l’exil m’a arraché à cette détestation.

Dépasser une ligne, une limite.
Aller chez l’Autre et raconter son histoire vers l’Autre.

Dans l’écriture pour l’Autre, il y a un espace de rencontre qu’on ne peut pas se figurer qui est celui de la compréhension. Ce non-lieu de ne pas avoir pris parti pour un camp ou pour un autre.

REUNIR LES CONTRAIRES

« Les hommes sont tous des oiseaux chahutés par l’histoire. »

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