Habiter la frontière

Habiter la frontière
de Léonora Miano
Extrait


La frontière, telle que je la définis et l'habite, est l'endroit où les mondes se touchent, inlassablement. C'est le lieu de l'oscillation constante : d'un espace à l'autre, d'une sensibilité à l'autre, d'une vision du monde à l'autre. C'est là où les langues se mêlent, pas forcément de manière tonitruante, s'imprégnant naturellement les unes des autres, pour produire, sur la page blanche, la représentation d'un univers composite, hybride.
La frontière évoque la relation. Elle dit que les peuples se sont rencontrés, quelques fois dans la violence, la haine, le mépris, et qu'en dépit de cela, ils ont enfanté du sens. Ma multi appartenance est porteuse de sens. Elle rappelle, à ceux qui croient en la fixité des choses, des identités notamment, que non seulement la plante ne se réduit pas à ses racines, mais que ces dernières peuvent être rempotées, s'épanouir dans un nouveau sol. Une plante peut également croiser ses racines avec celles d'une autre, et engendrer un nouvel être vivant. Le monde auquel nous appartenons est d'abord celui que nous portons en nous.
(...)
La frontière. C'est le motif de l'ombre et de la lumière, où l"une engendre toujours l'autre, où il n'est pas question de choisir, mais d'assumer : sa part d'ombre (dans mes romans, il s'agit souvent de responsabilités douloureuses, amères) et sa part de lumière (qui se mérite, ne se déploie qu'après qu'on a endossé ses ombres). Ce mouvement , cette dualité, représente à mes yeux, le fondement de la nature humaine. L'humain est, avant tout, cette créature contrastée qui habite un lieu où ombre et lumière se touchent.


Léonora Miano est née à Douala, au Cameroun. 
C'est dans cette ville qu'elle passe son enfance et son adolescence, avant de s'envoler en 1991 pour la France où elle réside depuis. Elle étudie les Lettres Anglo-Américaines, d'abord à Valenciennes, puis à Nanterre.
C'est à l'âge de huit ans qu'elle écrit ses premières poésies, et le roman vient à l'adolescence. Léonora Miano attendra longtemps, avant de proposer ses textes à des éditeurs. Le temps d'avoir le sentiment de posséder une écriture personnelle, qui contienne son tempérament et qui restitue sa musique intérieure.

Son premier roman, "L'intérieur de la nuit", a été salué par la critique et plébiscité par les lecteurs.

Plusieurs prix lui ont été attribués : Les lauriers verts de la forêt des livres, Révélation 2005; Le Prix Louis Guilloux 2006; Le Prix Montalembert du premier roman de femme 2006; Le Prix Réné Fallet 2006; Le Prix Bernard Palissy 2006. Classé meilleur premier roman français pour l'année 2005 par le magazine Lire, "L'intérieur de la nuit" fait aussi partie des 10 finalistes de l'édition 2006 du Prix des Cinq Continents de la Francophonie. Contours du jour qui vient a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens en 2006.
Son roman "La saison de l'ombre" a obtenu le prix Fémina 2013 et le Prix du roman métis 2013.
En 2014, elle commence à orienter sa réflexion et son écriture autour de la sexualité, masculine d’abord, avec le recueil "Première fois" (Mémoires d’Encrier, 2014) dans lequel elle invite 10 écrivains subsahariens et afrodescendants à raconter leur première expérience charnelle sans tabou. 
Avec "Volcaniques" en 2015, elle fait de même avec des femmes cette fois, et ouvre ainsi une réflexion sur la sexualité dans les cultures africaines et afrodescendantes. 

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